Solennité de saints Pierre et Paul

Homélie de Benoit XVI pour la solennité de Pierre et Paul en 2005

…Tournons-nous vers l’Évangile de saint Luc, qui nous raconte comment le Seigneur, au cours de la Dernière Cène, confère à nouveau une tâche spéciale à Pierre (cf. Lc 22, 31-33). Cette fois, les paroles de Jésus adressées à Simon se trouvent immédiatement après l’institution de la Très Sainte Eucharistie. Le Seigneur vient de se donner aux siens, sous les espèces du pain et du vin.

Nous pouvons voir dans l’institution de l’Eucharistie le véritable acte fondateur de l’Eglise. A travers l’Eucharistie, le Seigneur donne aux siens non seulement lui-même, mais également la réalité d’une nouvelle communion entre eux qui se prolonge dans le temps « jusqu’à ce qu’il vienne » (cf. 1 Co 11, 26). A travers l’Eucharistie, les disciples deviennent sa maison vivante qui, tout au long de l’histoire, grandit comme le temple nouveau et vivant de Dieu dans ce monde.

Et ainsi, Jésus, immédiatement après l’institution du Sacrement, parle de ce que signifient le « ministère » et être disciples, dans la nouvelle communauté : il dit qu’il s’agit d’un engagement de service, tout comme Lui-même se trouve au milieu d’eux comme Celui qui sert. Il s’adresse alors à Pierre. Il dit que Satan a demandé de pouvoir cribler les disciples comme le blé.

Cela évoque le passage du Livre de Job, dans lequel Satan demande à Dieu la faculté de frapper Job. Le diable — le calomnieur de Dieu et des hommes — veut par cela prouver qu’il n’existe pas de véritable religiosité, mais que dans l’homme, tout vise toujours et seulement à l’utilité. Dans le cas de Job, Dieu accorde à Satan la liberté requise précisément pour pouvoir défendre par cela sa créature, l’homme, et lui-même. Et c’est ce qui se produit également avec les disciples de Jésus — Dieu donne une certaine liberté à Satan en tout temps.

 Il nous semble souvent que Dieu laisse trop de liberté à Satan ; qu’il lui accorde la faculté de nous secouer de façon trop dure, et que cela dépasse nos forces et nous opprime trop. Nous crierons sans cesse vers Dieu : hélas, vois la misère de tes disciples, de grâce, protège-nous ! En effet, Jésus poursuit : « Mais moi, j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas » (Lc 22, 32).

La prière de Jésus est la limite placée au pouvoir du malin. La prière de Jésus est la protection de l’Église. Nous pouvons nous réfugier sous cette protection, nous y agripper et placer notre certitude en elle. Mais, comme nous le dit l’Évangile : — Jésus prie de façon particulière pour Pierre : « …afin que ta foi ne défaille pas ». Cette prière de Jésus est à la fois une promesse et un devoir. La prière de Jésus protège la foi de Pierre ; cette foi qu’il a confessée à Césarée de Philippe : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16, 16).

Voilà, ne laisse jamais cette foi devenir muette, affermis-la sans cesse, précisément et même face à la croix et à toutes les contradictions du monde : telle est la tâche de Pierre. C’est précisément pour cela que le Seigneur ne prie pas seulement pour la foi personnelle de Pierre, mais pour sa foi comme service aux autres. C’est précisément cela qu’Il veut dire à travers les paroles : « Toi donc, quand tu seras revenu, affermis tes frères » (Lc 22, 32).