L’Assomption de la Vierge Marie

Si l’œil n’a point vu, si l’oreille n’a point entendu, si le cœur de l’homme n’a point connu dans ses aspirations ce que le Seigneur a préparé à ceux qui l’aiment, qui pourrait dire ce qu’il a préparé à celle qui l’a enfanté, et, ce qui ne peut être douteux pour personne, qui l’aime plus que tous les hommes ?

Saint Bernard

Que fêtons-nous ? (extraits du site de la CEF)

Malgré la discrétion des Évangiles, les premiers chrétiens n’ont pas mis longtemps à réfléchir à la place de Marie dans leur foi. Ils ont rapidement voulu célébrer ses derniers moments, comme ils le faisaient pour honorer leurs saints. À cause du caractère unique de sa coopération, une croyance se répand : son « endormissement » – sa Dormition – consiste en réalité en son élévation, corps et âme, au ciel par Dieu.

En 1950, le pape Pie XII estime utile de proposer une définition plus précise : « La Vierge immaculée, préservée par Dieu de toute atteinte de la faute originelle, ayant accompli le cours de sa vie terrestre, fut élevée corps et âme à la gloire du ciel, et exaltée par le Seigneur comme la Reine de l’univers, pour être ainsi plus entièrement conforme à son Fils, Seigneur des seigneurs, victorieux du péché et de la mort ». La définition fait partie des dogmes de l’Église.

La liturgie de l’Assomption célèbre Marie comme la « transfigurée » : elle est auprès de Lui avec son corps glorieux et pas seulement avec son âme ; en elle, le Christ confirme sa propre victoire sur la mort.

Marie réalise ainsi le but pour lequel Dieu a créé et sauvé les hommes. En la fêtant, les croyants contemplent le gage de leur propre destin, s’ils font le choix de s’unir à leur tour au Christ.

Cette contemplation renforce enfin la confiance dans l’intercession de Marie : la voilà toute disponible pour « guider et soutenir l’espérance de ton peuple qui est encore en chemin » (préface). Ils aiment alors demander à Dieu : « Fais que, nous demeurions attentifs aux choses d’en-haut pour obtenir de partager sa gloire » (collecte).

Les orthodoxes fêtent aussi en ce jour la Dormition de Marie

Fête du Corps et du Sang du Christ -le Saint Sacrement

Extrait de l’homélie du Pape François pour cette fête en 2021.

Pour célébrer l’Eucharistie il faut reconnaître avant tout notre propre soif de Dieu : sentir que nous avons besoin de lui, désirer sa présence et son amour, être conscients que nous ne pouvons pas y arriver tout seuls mais que nous avons besoin d’une Nourriture et d’une Boisson de vie éternelle qui nous soutiennent sur le chemin. Le Seigneur peut alors se révéler comme Celui qui donne la vie nouvelle, qui nourrit d’une espérance fiable nos rêves et nos aspirations, présence d’amour qui donne sens et direction à notre pèlerinage terrestre. C’est la soif de Dieu qui nous porte à l’autel. S’il manque la soif, nos célébrations deviennent arides.

Dieu se fait petit comme un morceau de pain et c’est précisément pour cela qu’il faut un cœur grand pour pouvoir le reconnaître, l’adorer, l’accueillir. La présence de Dieu est si humble, cachée, parfois invisible, qu’elle a besoin d’un cœur préparé, éveillé et accueillant pour être reconnue. Par contre si notre cœur, plus qu’une grande salle, ressemble à un placard où nous gardons avec regret les vieilles choses ; s’il ressemble à un grenier où nous avons rangé depuis longtemps notre enthousiasme et nos rêves; s’il ressemble à une pièce étroite, une pièce sombre parce que nous ne vivons que de nous-mêmes, de nos problèmes et de nos amertumes, alors il sera impossible de reconnaître cette présence de Dieu, silencieuse et humble. Il faut une grande salle. Il faut élargir notre cœur. Il faut sortir de la petite pièce de notre moi et entrer dans le grand espace de l’émerveillement et de l’adoration. Telle est l’attitude devant l’Eucharistie, c’est de cela dont nous avons besoin : d’adoration. L’Église aussi doit être aussi une grande salle. Pas un petit cercle fermé, mais une Communauté avec les bras grands ouverts, accueillante envers tous. Demandons-nous ceci : quand approche quelqu’un qui est blessé, qui s’est trompé, qui a un parcours de vie différent, l’Eglise, cette Eglise, est-elle une grande salle pour l’accueillir et le conduire à la joie de la rencontre avec le Christ ? L’Eucharistie veut nourrir ceux qui sont fatigués et affamés sur le chemin, ne l’oublions pas ! L’Eglise des parfaits et des purs est une salle où il n’y a de place pour personne ; l’Eglise aux portes ouvertes, qui fait la fête autour du Christ, est par contre une grande salle où tout le monde – tous, justes et pécheurs – peut entrer.

Jésus qui rompt le Pain. C’est le geste eucharistique par excellence, le geste identitaire de notre foi, le lieu de notre rencontre avec le Seigneur qui s’offre pour nous faire renaître à une vie nouvelle. Ce geste aussi est bouleversant : jusqu’alors on immolait des agneaux et on les offrait en sacrifice à Dieu, maintenant c’est Jésus qui se fait agneau et s’immole pour nous donner la vie. Dans l’Eucharistie, nous contemplons et adorons le Dieu de l’amour. C’est le Seigneur qui ne rompt personne mais qui se rompt lui-même. C’est le Seigneur qui n’exige pas de sacrifices mais qui se sacrifie lui-même. C’est le Seigneur qui ne demande rien mais qui donne tout. Pour célébrer et vivre l’Eucharistie, nous aussi nous sommes appelés à vivre cet amour. Car tu ne peux pas rompre le Pain du dimanche si ton cœur est fermé à tes frères. Tu ne peux pas manger ce Pain si tu ne donnes pas le pain à l’affamé. Tu ne peux pas partager ce Pain si tu ne partages pas les souffrances de celui qui est dans le besoin. A la fin de tout, même de nos liturgies eucharistiques solennelles, seul l’amour restera. Et dès maintenant, nos Eucharisties transforment le monde dans la mesure où nous nous laissons transformer et devenons pain rompu pour les autres.

Devenons une Eglise avec la cruche en main, qui réveille la soif et apporte de l’eau. Ouvrons grand notre cœur dans l’amour, pour être la salle spacieuse et accueillante où tous peuvent entrer pour rencontrer le Seigneur. Rompons notre vie dans la compassion et la solidarité, afin que le monde voie à travers nous la grandeur de l’amour de Dieu. Et alors le Seigneur viendra, il nous surprendra encore, il se fera encore nourriture pour la vie du monde. Et il nous rassasiera pour toujours, jusqu’au jour où, au banquet du Ciel, nous contemplerons son visage et nous nous réjouirons sans fin.

Le Sacré Coeur

Quelques extraits de Dilexit nos du Pape François



1. « Il nous a aimés » dit saint Paul, en parlant du Christ (Rm 8, 37), nous faisant découvrir que rien « ne pourra nous séparer » (Rm 8, 39) de son amour. Il l’affirme avec certitude car le Christ l’a dit lui-même à ses disciples : « Je vous ai aimés » (Jn 15, 9.12). Il a dit aussi : « Je vous appelle amis » (Jn 15, 15). Son cœur ouvert nous précède et nous attend inconditionnellement, sans exiger de préalable pour nous aimer et nous offrir son amitié : « Il nous a aimés le premier » (1 Jn 4, 19). Grâce à Jésus, « nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous et nous y avons cru » (1 Jn 4, 16). 

28. Ce n’est qu’à partir du cœur que nos communautés parviendront à unir leurs intelligences et leurs volontés, et à les pacifier pour que l’Esprit nous guide en tant que réseau de frères ; car la pacification est aussi une tâche du cœur. Le Cœur du Christ est extase, il est sortie, il est don, il est rencontre. En Lui, nous devenons capables de relations saines et heureuses les uns avec les autres et de construire le Royaume de l’amour et de la justice dans ce monde. Notre cœur uni à celui du Christ est capable de ce miracle social.

31. En définitive, le Sacré-Cœur est le principe unificateur de la réalité, car « le Christ est le cœur du monde ; sa Pâque de mort et de résurrection est le centre de l’histoire qui, grâce à Lui, est histoire de salut ». [25] Toutes les créatures « avancent, avec nous et par nous, jusqu’au terme commun qui est Dieu, dans une plénitude transcendante où le Christ ressuscité embrasse et illumine tout ». [26] Devant le Cœur du Christ, je demande au Seigneur d’avoir à nouveau compassion pour cette terre blessée qu’Il a voulu habiter comme l’un de nous. Qu’Il répande les trésors de sa lumière et de son amour, afin que notre monde, qui survit au milieu des guerres, des déséquilibres socioéconomiques, du consumérisme et de l’utilisation antihumaine de la technologie, puisse retrouver ce qui est le plus important et le plus nécessaire : le cœur.

Discours d’Adieu du Christ

La deuxième partie de l’évangile de St Jean (ch 13-21) commence à la dernière Cène pour se terminer avec les apparitions du Ressuscité. Sa plus grande partie se compose d’un discours de Jésus, prononcé après la dernière Cène, discours qui prépare ses disciples à sa mort prochaine. Prenons le temps de relire la grande prière de Jésus

Evangile de Jésus-Christ selon saint Jean – chapitre 17

Ainsi parla Jésus. Puis il leva les yeux au ciel et dit : « Père, l’heure est venue. Glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie. Ainsi, comme tu lui as donné pouvoir sur tout être de chair, il donnera la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés.
Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ.
Moi, je t’ai glorifié sur la terre en accomplissant l’œuvre que tu m’avais donnée à faire.
Et maintenant, glorifie-moi auprès de toi, Père, de la gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde existe.
J’ai manifesté ton nom aux hommes que tu as pris dans le monde pour me les donner. Ils étaient à toi, tu me les as donnés, et ils ont gardé ta parole.
Maintenant, ils ont reconnu que tout ce que tu m’as donné vient de toi, car je leur ai donné les paroles que tu m’avais données : ils les ont reçues, ils ont vraiment reconnu que je suis sorti de toi, et ils ont cru que tu m’as envoyé.
Moi, je prie pour eux ; ce n’est pas pour le monde que je prie, mais pour ceux que tu m’as donnés, car ils sont à toi.
Tout ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à moi ; et je suis glorifié en eux.

Désormais, je ne suis plus dans le monde ; eux, ils sont dans le monde, et moi, je viens vers toi. Père saint, garde-les unis dans ton nom, le nom que tu m’as donné, pour qu’ils soient un, comme nous-mêmes.

Quand j’étais avec eux, je les gardais unis dans ton nom, le nom que tu m’as donné. J’ai veillé sur eux, et aucun ne s’est perdu, sauf celui qui s’en va à sa perte de sorte que l’Écriture soit accomplie.

Et maintenant que je viens à toi, je parle ainsi, dans le monde, pour qu’ils aient en eux ma joie, et qu’ils en soient comblés.

Moi, je leur ai donné ta parole, et le monde les a pris en haine parce qu’ils n’appartiennent pas au monde, de même que moi je n’appartiens pas au monde.
Je ne prie pas pour que tu les retires du monde, mais pour que tu les gardes du Mauvais.
Ils n’appartiennent pas au monde, de même que moi, je n’appartiens pas au monde.
Sanctifie-les dans la vérité : ta parole est vérité.
De même que tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés dans le monde.
Et pour eux je me sanctifie moi-même, afin qu’ils soient, eux aussi, sanctifiés dans la vérité.
Je ne prie pas seulement pour ceux qui sont là, mais encore pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi.

Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé.
Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes UN : moi en eux, et toi en moi. Qu’ils deviennent ainsi parfaitement un, afin que le monde sache que tu m’as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m’as aimé.

Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, ils soient eux aussi avec moi, et qu’ils contemplent ma gloire, celle que tu m’as donnée parce que tu m’as aimé avant la fondation du monde.

Père juste, le monde ne t’a pas connu, mais moi je t’ai connu, et ceux-ci ont reconnu que tu m’as envoyé.
Je leur ai fait connaître ton nom, et je le ferai connaître, pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, et que moi aussi, je sois en eux. »

Les lamentations

Les Lamentations : un chant de deuil ou de repentir ?

Les Lamentations, chantées au début des offices de vigiles du lundi au mercredi saint, sont en quelque sorte le correspondant des « chants du Serviteur » d’Isaïe qui scandent les célébrations eucharistiques de la Semaine sainte. Ceux-ci rappellent la figure du Juste souffrant, figure qui se révèle et se déploie au fur et à mesure des jours saints et trouve son accomplissement dans le Christ. C’est en célébrant le mystère du Christ, serviteur souffrant, que l’Église peut, au nom de l’humanité, dire la souffrance du pécheur quand il prend conscience de son infidélité. Si les chants du Serviteur offrent à la méditation de l’Église la seule figure du juste, de l’Élu de Dieu souffrant et s’offrant pour le salut de tous , les Lamentations mettent en abîme « l’homme frappé par Dieu » et la dévastation de Jérusalem, ultime conséquence de son infidélité à Dieu. L’unité, le lien établi entre Jérusalem, la ville dévastée, et l’homme souffrant manifeste la solidarité de ces deux destins. Les Lamentations ont pour objet la faillite de l’alliance et ses conséquences que vient racheter le juste, dont Jérémie est une figure exemplaire, leur but est de retourner à Dieu cette souffrance sous forme de prière. Cette faillite de l’alliance n’exclut pas pour autant, paradoxalement, sa permanence. Ceci est manifeste dans le fait même que la prière reste possible.

Enfin la mise en œuvre de ces textes dans la liturgie, alliant sobriété et beauté sans excès de pathos est, plus que dénonciation de la violence, affirmation paradoxale de la vie.

Les « Leçons de Ténèbres », pièces musicales pour l’office des ténèbres de la semaine sainte, autre nom de l’office commençant par le chant des lamentations ont donné lieu à de nombreuses reprises musicales à toutes les époques.

Samedi saint


Benoit XVI, 2 mai 2010 – Méditation devant le St Suaire de Turin

Le Samedi Saint est le jour où Dieu est caché, comme on le lit dans une ancienne Homélie:  « Que se passe-t-il? Aujourd’hui, un grand silence enveloppe la terre. Un grand silence et un grand calme. Un grand silence parce que le Roi dort… Dieu s’est endormi dans la chair, et il réveille ceux qui étaient dans les enfers » (Homélie pour le Samedi Saint, PG 43, 439). Dans le Credo, nous professons que Jésus Christ « a été crucifié sous Ponce Pilate, est mort et a été enseveli, est descendu aux enfers. Le troisième jour est ressuscité des morts ».

Le mystère le plus obscur de la foi est dans le même temps le signe le plus lumineux d’une espérance qui ne connaît pas de limite. Le Samedi Saint est une « terre qui n’appartient à personne » entre la mort et la résurrection, mais dans cette « terre qui n’appartient à personne » est entré l’Un, l’Unique qui l’a traversée avec les signes de sa Passion pour l’homme:  « Passio Christi. Passio hominis« .

Dans ce « temps-au-delà-du temps », Jésus Christ « est descendu aux enfers ». Que signifie cette expression? Elle signifie que Dieu, s’étant fait homme, est arrivé au point d’entrer dans la solitude extrême et absolue de l’homme, où n’arrive aucun rayon d’amour, où règne l’abandon total sans aucune parole de réconfort:  « les enfers ». Jésus Christ, demeurant dans la mort, a franchi la porte de cette ultime solitude pour nous guider également à la franchir avec Lui. Nous avons tous parfois ressenti une terrible sensation d’abandon, et ce qui nous fait le plus peur dans la mort, est précisément cela, comme des enfants, nous avons peur de rester seuls dans l’obscurité, et seule la présence d’une personne qui nous aime peut nous rassurer. Voilà, c’est précisément ce qui est arrivé le jour du Samedi Saint:  dans le royaume de la mort a retenti la voix de Dieu. L’impensable a eu lieu:  c’est-à-dire que l’Amour a pénétré « dans les enfers »:  dans l’obscurité extrême de la solitude humaine la plus absolue également, nous pouvons écouter une voix qui nous appelle et trouver une main qui nous prend et nous conduit au dehors. L’être humain vit pour le fait qu’il est aimé et qu’il peut aimer; et si dans l’espace de la mort également, a pénétré l’amour, alors là aussi est arrivée la vie. A l’heure de la solitude extrême, nous ne serons jamais seuls:  « Passio Christi. Passio hominis« .

Tel est le mystère du Samedi Saint! Précisément de là, de l’obscurité de la mort du Fils de Dieu est apparue la lumière d’une espérance nouvelle:  la lumière de la Résurrection. 

Vendredi Saint

« Désormais, par la croix, les ombres sont dissipées et la vérité se lève, comme nous le dit l’apôtre Jean : « L’ancien monde est passé, toutes choses sont nouvelles » (Ap 21,4-5). La mort est dépouillée, l’enfer livre ses captifs, l’homme est libre, le Seigneur règne, la création est dans la joie. La croix triomphe et toutes les nations, tribus, langues et peuples (Ap 7,9) viennent pour l’adorer. Avec le bienheureux Paul qui s’écrie : « Loin de moi la pensée de trouver ma gloire ailleurs que dans la croix de Jésus Christ notre Seigneur » (Ga 6,14), nous trouvons en elle notre joie. La croix rend la lumière à l’univers entier, elle chasse les ténèbres et rassemble les nations de l’Occident, de l’Orient, du Nord et de la mer en une seule Église, une seule foi, un seul baptême dans la charité. Elle se dresse au centre du monde, fixée sur le Calvaire.

Armés de la croix, les apôtres s’en vont prêcher et rassembler dans son adoration tout l’univers, foulant aux pieds toute puissance hostile. Par elle, les martyrs ont confessé la foi avec audace et n’ont pas craint les ruses des tyrans. S’en étant chargés, les moines, dans une immense joie, ont fait de la solitude leur séjour.

Lors du retour du Christ, cette croix paraîtra d’abord dans le ciel, sceptre précieux, vivant, véritable et saint du Grand Roi : « Alors, dit le Seigneur, apparaîtra dans le ciel le signe du Fils de l’homme » (Mt 24,30). Nous la verrons, escortée par les anges, illuminant la terre, d’un bout de l’univers à l’autre, plus claire que le soleil, annonçant le Jour du Seigneur. »

Homélie attribuée à Saint Ephrem (v.306-373), (trad. Bouchet, Lectionnaire, p.181)

2ème Dimanche d’Avent

« Voix de celui qui crie dans le désert: Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits les sentiers de notre Dieu. » Cette parole montre clairement que les évènements prophétisés ne se produiront pas à Jérusalem mais au désert; c’est là que la gloire du Seigneur apparaîtra et que toute chair aura connaissance du salut de Dieu. Et c’est ce qui s’est accompli réellement et littéralement lorsque Jean-Baptiste proclama dans le désert du Jourdain que le salut de Dieu se manifesterait, car c’est là que le salut de Dieu est apparu. En effet, le Christ avec sa gloire s’est fait connaitre à tous: lorsqu’il eut été baptisé, le Saint-Esprit descendit sur lui sous la forme d’une colombe et y demeura; et la voix du Père lui rendit témoignage : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le ». Le prophète parlait ainsi parce que Dieu devait résider dans le désert, qui est inaccessible au monde. Toutes les nations païennes étaient désertées par la connaissance de Dieu et toutes étaient inaccessibles aux justes et aux prophètes de Dieu. C’est pour cela que cette voix ordonne de préparer le chemin au Verbe de Dieu et de rendre unie la route inaccessible et raboteuse afin que notre Dieu, en venant résider chez nous, puisse y avancer. « Préparez le chemin du Seigneur »: c’est la prédication évangélique et la nouvelle consolation qui souhaite que le salut de Dieu vienne à la connaissance de tous les hommes .

Commentaire d’Eusèbe de Césarée

1er dimanche d’Avent

Voilà pour nous un évangile bien tonique pour commencer l’Avent et cette nouvelle année liturgique. « Redressez-vous, relevez la tête car votre rédemption approche. » Cet appel du Seigneur est d’autant plus fort et provocateur que l’ambiance décrite n’y invite guère : terre, ciel et mer s’agitent, les nations s’affolent et les humains meurent de peur… Mais voici le Fils de l’homme qui paraît dans sa gloire ! « Redressez-vous et relevez la tête. » Le Seigneur nous invite au courage en ce début d’avent. De même qu’il a redressé la femme courbée dans une synagogue, il vient nous redresser et nous relever la tête.

La station debout est la posture normale de tout baptisé qui participe de la résurrection du Seigneur. Les derniers mots de Jésus avant son entrée à Jérusalem (quelques versets plus loin) sont une invitation à « vous tenir debout devant le Fils de l’homme. » Si notre réaction humaine est de céder à la peur et de nous recroqueviller, Jésus nous demande au contraire de nous redresser et de nous tenir debout face à la réalité, le visage exposé à ce que nous voyons. Une seule personne sera vraiment à la hauteur de cet appel : la Vierge Marie debout au pied de la croix. Certes d’autres l’entouraient mais la mère était là qui portait la foi de l’Eglise quand tous vacillaient de peur. Marie a choisi la foi au lieu de la peur et de la fuite. Elle a ainsi reçu la force de se tenir debout devant le Fils de l’homme. Cette attitude de Marie est pour nous un exemple.

Dans le Chemin de perfection, sainte Thérèse de Jésus compare les contemplatifs à des porte-drapeaux qui dans le combat semblent avoir un rôle très humble : tenir debout pour porter l’insigne de ralliement. « Les contemplatifs doivent porter haut l’étendard de l’humilité, et demeurer exposés à tous les coups, sans en rendre aucun : leur office est de souffrir comme Jésus-Christ a souffert, et de tenir toujours la croix élevée, sans l’abandonner, quelques dangers qu’ils courent, sans montrer de la faiblesse, quelques peines qu’ils aient à souffrir. » (Ch. 18) L’enjeu est grand car s’ils cèdent à la peur, l’étendard disparaît de la vue de l’armée et c’est tout l’espoir qui abandonne ceux qui sont au front ! Ce qui est vrai des contemplatifs peut être élargi aux baptisés. Ainsi il importe pour chaque disciple de prendre sa part de responsabilité dans l’Eglise synodale discernée par le Pape. C’est le chemin pour que la Résurrection du Christ atteigne toute personne et que la victoire soit complète. « Redressez-vous, relevez la tête car votre rédemption approche. »

« Restez éveillés et priez en tout temps. » Voilà, nous dit Jésus, ce qui nous donnera la force de nous tenir debout devant Lui. Nous avons besoin de veiller et de prier, c’est-à-dire de prêter attention à ce que nous vivons et à rester toujours reliés à Celui qui a déjà vaincu la mort et l’injustice. Sans la prière, nous ne pourrons pas tenir debout. Mais avec elle tout est possible. Encore que nous précise la Madre dans le Chemin de perfection, cela ne suffit pas tout à fait. La prière n’est pas magique ; elle s’accompagne, pour être vraie, d’un travail sur soi pour changer nos dispositions. Il nous faut adopter les vertus évangéliques qui correspondent à notre désir de tenir debout.

Thérèse en développe trois : l’amour fraternel qui fait écho à la recommandation de saint Paul aux Thessaloniciens (« que le Seigneur vous donne, entre vous et à l’égard de tous les hommes, un amour de plus en plus intense et débordant, comme celui que nous avons pour vous. ») ; le détachement qui pourrait nous inviter à nous débarrasser de nos attachements à notre image personnelle ou collective, mais aussi à rejeter la complaisance que nous avons à nous plaindre des malheurs du temps, de l’Eglise, de nos dirigeants politiques, etc. ; enfin la vertu d’humilité qui nous demande de reconnaître que nous ne sommes pas meilleurs ou plus purs que les autres et que nous avons d’abord à veiller sur nous-même avant de juger notre prochain. Le pape nous interpelle régulièrement sur le péché de médisance qui est un poison pour nos communautés chrétiennes. Nous sommes responsables de notre parole.

En choisissant en cette nouvelle année de nous redresser, de nous reprendre en mains par la prière et la conversion personnelle, nous inaugurons avec le Seigneur un temps nouveau, celui de l’espérance. Nous permettons au Seigneur de réaliser la « promesse de bonheur » annoncée au prophète Jérémie, celle du règne de la justice et de la sécurité. Avançons-nous donc dans une attitude de confiance et d’audace, avec cette simplicité et cette franchise (parrhesia) typiques des premiers chrétiens. Puisque Marie est notre modèle et qu’elle est cette étoile dans la nuit, cheminons avec elle en Eglise pendant l’Avent pour accueillir avec elle, dans la joie, celui qui vient pour tout sauver. Oui, « fais-nous voir, Seigneur, ton amour, et donne-nous ton salut. » Amen

-Homélie du Fr Jean-Alexandre, ocd (2021)

4ème Dimanche d’Avent

« La bonté divine, frères très chers, nous invite, pour le salut de nos âmes, aux joies de la béatitude éternelle, comme vous l’avez entendu dans la lecture qui nous occupe, où l’Apôtre disait : Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur. Les joies du monde tendent à la tristesse ; mais les joies conformes à la volonté de Dieu attirent aux biens durables et éternels ceux qui y persévèrent. C’est pourquoi l’Apôtre ajoute : Je le répète, réjouissez-vous. »

[…] Que votre sérénité soit connue de tous les hommes : c’est-à-dire que votre conduite sainte ne doit pas seulement apparaître devant Dieu, mais aussi devant les hommes, pour donner un exemple de sérénité et de réserve devant tous ceux qui demeurent avec vous sur la terre, ou encore pour laisser un bon souvenir devant Dieu et les hommes.

Le Seigneur est proche : ne soyez inquiets de rien : le Seigneur est toujours proche de ceux qui l’invoquent avec sincérité, avec une foi droite, une espérance ferme, une parfaite charité : car il sait de quoi vous avez besoin avant que vous le lui demandiez : Il est toujours près à secourir, dans n’importe lequel de leurs besoins, ceux qui le servent fidèlement. Aussi, lorsque nous voyons que le malheur est imminent, nous n’avons pas à nous faire de grand souci, puisque nous devons savoir que Dieu est pour nous un défenseur tout proche, selon cette parole : Le Seigneur est proche de ceux dont le cœur est angoissé, et il sauvera ceux dont l’esprit est abattu. Les angoisses sont nombreuses pour les justes mais de toutes le Seigneur les délivrera [Ps 34]. Si nous nous efforçons d’accomplir et de garder ce qu’il prescrit, il ne tardera pas à s’acquitter de ses promesses.

Mais, en toute circonstance, dans l’action de grâce priez et suppliez pour faire connaître à Dieu vos demandes : nous ne devons pas, si nous sommes accablés d’épreuves, les supporter avec récriminations et tristesse, loin de là, mais avec patience et bonne humeur, en rendant grâce à Dieu en tout temps et à propos de tout. »

Homélie ancienne sur Philippiens 4,4