Les Lamentations : un chant de deuil ou de repentir ?
Les Lamentations, chantées au début des offices de vigiles du lundi au mercredi saint, sont en quelque sorte le correspondant des « chants du Serviteur » d’Isaïe qui scandent les célébrations eucharistiques de la Semaine sainte. Ceux-ci rappellent la figure du Juste souffrant, figure qui se révèle et se déploie au fur et à mesure des jours saints et trouve son accomplissement dans le Christ. C’est en célébrant le mystère du Christ, serviteur souffrant, que l’Église peut, au nom de l’humanité, dire la souffrance du pécheur quand il prend conscience de son infidélité. Si les chants du Serviteur offrent à la méditation de l’Église la seule figure du juste, de l’Élu de Dieu souffrant et s’offrant pour le salut de tous , les Lamentations mettent en abîme « l’homme frappé par Dieu » et la dévastation de Jérusalem, ultime conséquence de son infidélité à Dieu. L’unité, le lien établi entre Jérusalem, la ville dévastée, et l’homme souffrant manifeste la solidarité de ces deux destins. Les Lamentations ont pour objet la faillite de l’alliance et ses conséquences que vient racheter le juste, dont Jérémie est une figure exemplaire, leur but est de retourner à Dieu cette souffrance sous forme de prière. Cette faillite de l’alliance n’exclut pas pour autant, paradoxalement, sa permanence. Ceci est manifeste dans le fait même que la prière reste possible.
Enfin la mise en œuvre de ces textes dans la liturgie, alliant sobriété et beauté sans excès de pathos est, plus que dénonciation de la violence, affirmation paradoxale de la vie.
Les « Leçons de Ténèbres », pièces musicales pour l’office des ténèbres de la semaine sainte, autre nom de l’office commençant par le chant des lamentations ont donné lieu à de nombreuses reprises musicales à toutes les époques.