1er dimanche d’Avent

Voilà pour nous un évangile bien tonique pour commencer l’Avent et cette nouvelle année liturgique. « Redressez-vous, relevez la tête car votre rédemption approche. » Cet appel du Seigneur est d’autant plus fort et provocateur que l’ambiance décrite n’y invite guère : terre, ciel et mer s’agitent, les nations s’affolent et les humains meurent de peur… Mais voici le Fils de l’homme qui paraît dans sa gloire ! « Redressez-vous et relevez la tête. » Le Seigneur nous invite au courage en ce début d’avent. De même qu’il a redressé la femme courbée dans une synagogue, il vient nous redresser et nous relever la tête.

La station debout est la posture normale de tout baptisé qui participe de la résurrection du Seigneur. Les derniers mots de Jésus avant son entrée à Jérusalem (quelques versets plus loin) sont une invitation à « vous tenir debout devant le Fils de l’homme. » Si notre réaction humaine est de céder à la peur et de nous recroqueviller, Jésus nous demande au contraire de nous redresser et de nous tenir debout face à la réalité, le visage exposé à ce que nous voyons. Une seule personne sera vraiment à la hauteur de cet appel : la Vierge Marie debout au pied de la croix. Certes d’autres l’entouraient mais la mère était là qui portait la foi de l’Eglise quand tous vacillaient de peur. Marie a choisi la foi au lieu de la peur et de la fuite. Elle a ainsi reçu la force de se tenir debout devant le Fils de l’homme. Cette attitude de Marie est pour nous un exemple.

Dans le Chemin de perfection, sainte Thérèse de Jésus compare les contemplatifs à des porte-drapeaux qui dans le combat semblent avoir un rôle très humble : tenir debout pour porter l’insigne de ralliement. « Les contemplatifs doivent porter haut l’étendard de l’humilité, et demeurer exposés à tous les coups, sans en rendre aucun : leur office est de souffrir comme Jésus-Christ a souffert, et de tenir toujours la croix élevée, sans l’abandonner, quelques dangers qu’ils courent, sans montrer de la faiblesse, quelques peines qu’ils aient à souffrir. » (Ch. 18) L’enjeu est grand car s’ils cèdent à la peur, l’étendard disparaît de la vue de l’armée et c’est tout l’espoir qui abandonne ceux qui sont au front ! Ce qui est vrai des contemplatifs peut être élargi aux baptisés. Ainsi il importe pour chaque disciple de prendre sa part de responsabilité dans l’Eglise synodale discernée par le Pape. C’est le chemin pour que la Résurrection du Christ atteigne toute personne et que la victoire soit complète. « Redressez-vous, relevez la tête car votre rédemption approche. »

« Restez éveillés et priez en tout temps. » Voilà, nous dit Jésus, ce qui nous donnera la force de nous tenir debout devant Lui. Nous avons besoin de veiller et de prier, c’est-à-dire de prêter attention à ce que nous vivons et à rester toujours reliés à Celui qui a déjà vaincu la mort et l’injustice. Sans la prière, nous ne pourrons pas tenir debout. Mais avec elle tout est possible. Encore que nous précise la Madre dans le Chemin de perfection, cela ne suffit pas tout à fait. La prière n’est pas magique ; elle s’accompagne, pour être vraie, d’un travail sur soi pour changer nos dispositions. Il nous faut adopter les vertus évangéliques qui correspondent à notre désir de tenir debout.

Thérèse en développe trois : l’amour fraternel qui fait écho à la recommandation de saint Paul aux Thessaloniciens (« que le Seigneur vous donne, entre vous et à l’égard de tous les hommes, un amour de plus en plus intense et débordant, comme celui que nous avons pour vous. ») ; le détachement qui pourrait nous inviter à nous débarrasser de nos attachements à notre image personnelle ou collective, mais aussi à rejeter la complaisance que nous avons à nous plaindre des malheurs du temps, de l’Eglise, de nos dirigeants politiques, etc. ; enfin la vertu d’humilité qui nous demande de reconnaître que nous ne sommes pas meilleurs ou plus purs que les autres et que nous avons d’abord à veiller sur nous-même avant de juger notre prochain. Le pape nous interpelle régulièrement sur le péché de médisance qui est un poison pour nos communautés chrétiennes. Nous sommes responsables de notre parole.

En choisissant en cette nouvelle année de nous redresser, de nous reprendre en mains par la prière et la conversion personnelle, nous inaugurons avec le Seigneur un temps nouveau, celui de l’espérance. Nous permettons au Seigneur de réaliser la « promesse de bonheur » annoncée au prophète Jérémie, celle du règne de la justice et de la sécurité. Avançons-nous donc dans une attitude de confiance et d’audace, avec cette simplicité et cette franchise (parrhesia) typiques des premiers chrétiens. Puisque Marie est notre modèle et qu’elle est cette étoile dans la nuit, cheminons avec elle en Eglise pendant l’Avent pour accueillir avec elle, dans la joie, celui qui vient pour tout sauver. Oui, « fais-nous voir, Seigneur, ton amour, et donne-nous ton salut. » Amen

-Homélie du Fr Jean-Alexandre, ocd (2021)